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Encore une belle journée d'été pour être enfermé dans cette tour " se dit Ted en détachant de son éphéméride le feuillet 10 du mois de septembre 2001. Il en fit une petite boulette de papier qu'il lança en direction de la corbeille. Il la manqua comme d'habitude, inscrivit sur le feuillet suivant « congés jusqu'au 16 septembre ». Dix-sept heures trente sur l'écran de son PC. Il fit une pose, se servit un gobelet de thé puis s'affala au fond de son fauteuil et pensa à son voyage. Prendre l'avion l'effrayait mais il était tellement heureux de rejoindre Christine, sa femme. Il se balançait d'avant en arrière, les pieds appuyés sur le bord de son bureau, se réjouissait des quelques jours qu'ils allaient passer ensemble, de parler de leur futur enfant quand une femme de service fit irruption. Ted corrigea sa tenue.

- Bonsoir Monsieur Ted !
- Ah ! Bonsoir, América. Comment allez-vous ?
- Bien Monsieur Ted, Yé range vot'bureau. Vous aller ratez votre bus.
- Merci. Vous savez que demain matin je rejoins Chris. Elle passe quelques temps chez ses parents à San Francisco.
- Elle va bien et le bébé dans son ventre ? Ah ! San Francisco ! C'est la ville des Maricốns, dit-elle en réprimant un petit rire coquin.
- Vous voulez parler des gays ?
América changea de sujet de conversation.
- C'est très bien la famille et pouis votre dame elle peut se reposer. Elle fait pas la couisine ni le ménage chez ses parents.
- Pas plus qu'elle n'en fait chez nous ma chère América. Elle ne sait pas cuisiner. C'est moi qui prépare les repas à la maison enfin je me tappe tout le boulot mais elle est fragile...
- Et ça ne vous gêne de faire le travail de votre femme.
- Non ! ça m'amuse et puis Chris a bien essayé de se mettre aux fourneaux. C'était immangeable !
- C'est pas mon mari qui ferait la couisine. Loui, quand il rentré du boulot, il est fatigué. Alors il prend une bière et une assiette de fégons et il se colle devant sa télé puis il va se coucher sans se laver. Il pue comme les blackos du Bronx.
- América ! Enfin ! Vous êtes un peu raciste.
- Non qué yé né souis pas une raciste, répondit-elle en s'offusquant. Yé n'aime pas les blackos C'est tout Monsieur Ted.
- Pourtant, votre mari est noir. Vous me l'aviez dit une fois.
- C'est vrai qu'il est noir, mais il n'est pas du sud ? C'est un black du nord, un black blanc, dit-elle fort contrariée.

Ted trouva l'explication surprenante mais il ne s'y attarda pas. América vida la corbeille dans laquelle il y avait plus de gobelets que de papier froissé. Elle marmonnait quelques mots que Ted ne comprenait pas, ramassa les boullettes de papiers jetées maladroitement, renonça à faire la poussière tant il y avait de désordre sur le bureau.

Ted cliqua sur « Arrêt », déplaça un ou deux dossiers poussiéreux, dégrafa son col de chemise puis attrapa sa sacoche et sortit en saluant América. Quelques secondes plus tard, Ted refit apparition.
- Le billet ! Mon billet ! J'ai oublié mon billet.
- Où c'est qué vous l'avez possé votre billet Monsieur Ted ?
- Nulle part. Il faut seulement que je l'imprime. J'ai fait une réservation sur internet. Quel con ! Mais quel crétin je fais !
- Mais non Monsieur Ted. vous n'êtes pas tout cé qué vous dites.

Ted ralluma son ordinateur avec précipitation.

- Que c'est long, que c'est long, dit-il au bout de trois secondes et demi d'une attente qui lui semblait interminable.
- Ne vous énervez pas Monsieur Ted. C'est pas la faute de la machine ! Il faut que le boots se fasse et le système se charge.

S'entendre dire ce qu'il avait à faire par une femme de ménage quand bien même elle avait raison était très vexant.
- Vous devez penser que yé me paye votre tête et qué yé souis une sale portos. dit-elle avec un petit sourire très amusé.
- Non, non ! América. Je n'oserai jamais vous traiter de portos? Je vous aime trop bien pour..
- Vous m'aimez bien ! Vous m'avez bien regardée ? yé du poil aux jambes et yé pèse quatre-vingts kilos pour un mètre cinquante ? Vous êtes sûr dé cé qué vous dites?
- Non ! Enfin. Pardon. Je voulais simplement dire que je vous aime bien comme on aime un copain.
- Ah vous mé tranquilissée! Alors yé souis votre copine, ça me fait beaucoup de plaisir..
- Copine ! Ce n'est pas exactement le terme qui, qui.....
- Né fou fatiguez pas, dit-elle en réprimant un fou rire. Yé vous tarabouscule ioute un peu ! C'est drôle non ?

América ria de plus belle. Ted ria aussi.
- Ah voilà, j'y suis presque. Que c'est long. J'imprime et hop je file.
- Allez chercher votre billet, Monsieur Ted. Yé fermerai vot machine.
- Vous savez comment faire ?
- Bien sûr que yé sais. Mon fils fait une école d'ingénieur. Il me coûte une fortune mais yé voudrai qu'il travaille comme vous Monsieur Ted. Nous avons un computer la maison. On est des étrangers mais on n'est pas des andouilles. Moi aussi yé m'en sert de la machine, parfois, avec Internet pour envoyé des mails à mes sœurs restées au pays. Et quand la télé elle est mauvaise, yé joue à Spider ou je chate avec d'autre portos.
- Désolé !.
- Vous êtes comme tous ces yankees. Vous ne connaissez que votre pays et vous pensez qué le reste du monde prend une douche une fois par mois.. Mais jé vous aime bien. On voit bien qué vous êtes gentil à votre visage poupin.

Ted tordit du nez, « Moi un visage poupin ? ». Il a toujours détesté ça. Comme si c'était écrit sur son visage qu'il était gentil alors qu'il aurait tant aimé ressembler à Sean Connery
- On crois rêver, Dit Ted entre ses dents.
- A quoi vous rêvez Monsieur Ted ?
- Non, non. A rien. Si ! A tout le boulot qui m'attend la semaine prochaine.
- Ne fous faites pas le sang mauvais. Pensez à votre petite femme qui vous attend là-bas. Yé croix qu'on se voit pour la dernière fois. Le chef de la tour, il m'a dit qué yé né travail pas assez parce qué yé parle trop et que yé suis virée demain.
- Virée demain ! Quelle poisse.
- La poisse, c'est quoi ?
- La poisse ! C'est la guigne, la mauvaise fortune, une sorte de malédiction envoyée par le diable dit Ted en prenant une voix d'outre tombe.
- Ce qui ne fut pas du tout au goût d'América qui se signa, retourna à son ménage très contrariée. On ne plaisante pas avec le diable.

A SUIVRE !

 

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